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AFEAF-CARR 15/05/09 11:12 Page 207 35e Suppl. à la RACF, 2009, AFEAF 32 Les Gaulois sont dans la ville Stéphane Carrara* avec la collaboration de Guillaume Maza** et Stéphane Rottier* L’agglomération urbaine de Lyon-Vaise (Rhône) à la fin du VI e s. et au V e s. av. J.-C. : bilan des découvertes THE URBAN AGGLOMERATION AT LYON-VAISE ( R H Ô N E ) AT T H E E N D O F T H E S I X T H AND IN THE FIFTH CENTURIES BC Mots-clés : Hallstatt D3, La Tène A, Lyon-Vaise, Agglomération urbaine, Habitat, Mobilier d’importation, Artisanat, Métallurgie, Travail de la corne, Textile, Organisation urbaine. Keywords : Hallstatt D3, La Tène A, Lyon-Vaise, Urban settlement, Imports, Craft-working, Metallurgy, Horn working, Textiles, Urban organization. Résumé : Depuis 1984-1985 et les premières découvertes de vestiges datés du premier âge du Fer sur le chantier archéologique du Métro Gorge de Loup, le développement de l’archéologie de sauvetage ou préventive a permis de mettre au jour à Lyon-Vaise une trentaine de sites concernant la période du Ha D2-D3 et le début de La Tène A. Ils se répartissent sur environ 150 hectares dans la plaine alluviale. L’occupation de Lyon-Vaise apparaît comme un habitat ouvert et étendu, où les vestiges semblent se concentrer sur une cinquantaine à une soixantaine d’hectares dans la partie sud de la plaine. Elle est caractérisée par de nombreuses céramiques d’importation méditerranéenne liées au service du vin, qui attestent une consommation locale. Les structures archéologiques et le mobilier font apparaître des activités agro-pastorales et des artisanats spécialisés particulièrement bien représentés, notamment les métallurgies du fer et des alliages cuivreux, le travail de la corne et du textile. Abstract : Since 1984-85, when the initial discoveries of First Iron Age finds were made in Lyon-Vaise in archaeological excavations at the Gorge de Loup metro station, the development of rescue archaeology has allowed the identification of about thirty sites relevant to the Hallstatt D2-D3, La Tène A1 period. They are distributed over about 150 ha on the alluvial plain of the Vaise. The occupation at Lyon-Vaise seems to be an extensive unenclosed settlement, with the densest concentration of structures in the southern part of the plain. The occupation is marked by the import of pottery from the Mediterranean linked to trade in, and the service of, wine, betokening local consumption. Both structures and finds provide evidence for agriculture and stock-raising with specialized craft-working especially well represented. The latter include in particular iron and copper-alloy metallurgy, horn-working and the making of textiles. * Service Archéologique de la Ville de Lyon, doctorant de l’Université-Lyon 2. ** Archéologue, Archeodunum SA, Antenne Rhône-Alpes, 500 rue Juliette Récamier, 69970 Chaponnay. *** UMR 5199 PACEA, LAPP, Université Bordeaux 1. AFEAF-CARR 15/05/09 11:12 Page 208 208 À la suite des débats qu’a suscités le colloque, nous avons modifié le titre de notre communication qui s’intitule désormais « L’agglomération urbaine de Lyon-Vaise à la fin du VIe s. et au Ve s. av. J.-C. : bilan des découvertes ». Nous assumons donc le classement de l’occupation qui s’étend dans la plaine de Vaise (Lyon 9e arrondissement) parmi les agglomérations urbaines. Certes, nous verrons que les données manquent encore, ou que les densités de vestiges peuvent paraître faibles au premier abord, sans le recul nécessaire qu’imposent 2500 ans d’occupation humaine sur le même espace. Encore faut-il préciser que la carte des vestiges protohistoriques est entrecoupée de perturbations naturelles et anthropiques particulièrement destructrices. Il n’en demeure pas moins que l’analyse fine des découvertes lyonnaises permet d’observer le développement de certains caractères qui définissent le fait urbain : concentration d’activités spécialisées, récurrence de certaines orientations, cloisonnement de l’espace, qui nous ont conduits à retenir l’appellation d’agglomération urbaine. En 1984-1985, la fouille de sauvetage menée sur le chantier du Métro Gorge de Loup a permis, pour la première fois à Lyon-Vaise, la mise au jour d’une occupation du premier âge du Fer. Cette découverte venait confirmer l’existence d’une implantation humaine antérieure à la cité romaine, déjà avancée depuis le XVIIe siècle sur la base de textes gréco-latins peu fiables, falsifiés ou détournés de leur sens original, mentionnant la création hypothétique d’une cité fondée par des Grecs ou des Gaulois devenus grecs : Lugudunum, ou Lougoudounon (Perrin, Bellon 1997 ; Bellon, Perrin 2007 ; Goudineau 1989). C. Bellon et F. Perrin ont pu définir l’occupation du Hallstatt final comme remarquablement étendue sur le territoire de la plaine de Vaise, puisque près de trois kilomètres séparent les sites les plus éloignés. Ils relient son origine au développement du commerce massaliote et de ses comptoirs bas-rhodaniens. Il pourrait s’agir du principal lieu de transbordement de marchandises en provenance du sud, sur l’axe Rhône-Saône. Les découvertes anciennes du plateau de Loyasse et de la rue de Trion pourraient indiquer une occupation de hauteur de la même période, mais également d’une phase plus ancienne, datée de la fin du VIIe siècle et du début du VIe siècle, rapprochant ainsi le site de Lyon du modèle « princier » : un site de hauteur (une acropole) avec ses faubourgs (implantés en contrebas dans la plaine), liés à la présence d’un cours d’eau d’importance, et qui concentrent de nombreux produits d’importation, notamment méditerranéens (Perrin, Bellon 1997). La masse de matériel céramique associé au mobilier métallique datant (notamment la parure) et 35E SUPPL. À LA RACF, 2009, AFEAF 32 LES GAULOIS SONT DANS LA VILLE aux quelques datations dendrochronologiques obtenues sur les bois des palissades découvertes sur le site du Métro Gorge de Loup permettent de situer l’essentiel de cette occupation entre le dernier tiers du VIe et le milieu Ve siècle av. J.-C., voire jusqu’à la fin du Ve (fibule du type de La Certosa : 450-300 ; coupe à figure rouge : 430-425). Quelques sépultures, du Ha C2/Ha D1-2 (730-650 et 650-520 av. J.-C.), attestent également la fréquentation de la plaine de Vaise à une phase plus ancienne du premier âge du Fer (Bellon 2003 b). 1. CADRE GÉOGRAPHIQUE DE L’OCCUPATION ET ACCÈS AUX VESTIGES Aujourd’hui, avec la multiplication des interventions d’archéologie préventive, près d’une trentaine1 de sites (Fig. 1 et 3) concernant la période du Ha D2D3 et le début du second âge du Fer (La Tène A) ont été répertoriés à Lyon. Ils se répartissent sur environ 150 ha (Fig. 2) principalement dans la plaine alluviale de Vaise qui s’étend sur la rive droite de la Saône et au pied de plateaux la dominant d’une centaine de mètres : les plateaux de Loyasse, de la Sarra et de Saint-Just au sud et sud-est, et le plateau de La Duchère au nord-ouest. Cette plaine correspond au neuvième arrondissement de Lyon, un quartier densément urbanisé depuis l’entre-deux-guerres. Son altitude NGF est comprise entre 167 m et 173 m dans la partie centrale de la plaine et atteint 176 m à 192 m NGF au pied des versants. Seulement 12 ha ont été fouillés ou sondés sur les 270 ha que compte la plaine alluviale de Vaise. L’emprise au sol des niveaux du premier âge du Fer concerne une surface cumulée de plus de 3,7 ha2. La profondeur des vestiges par rapport au niveau du sol actuel est irrégulière, de moins d’un mètre à trois ou quatre mètres, et au delà dans certains cas particuliers (fond de talweg). L’occupation du Ha D2-3 et de LT A1 se caractérise donc par son étendue, et présente une hétérogénéité manifeste dans la densité, la conservation et la répartition de ses vestiges. Si la densité des structures présentes à Lyon-Vaise peut paraître faible au premier abord, il faut la relativiser au vu des nombreuses perturbations que le site a subies. Les constructions contemporaines ont entraîné la destruction d’une part importante des niveaux 1. Nous avons tenté de dresser un bilan, le plus exhaustif possible, de l’occupation de la fin du premier âge du Fer à Lyon-Vaise au moyen d’un tableau récapitulatif prenant en compte les sites (opérations de fouilles et diagnostics) ayant permis la mise au jour de vestiges ou simplement de traces de fréquentation. 2. Cette surface correspond aux emprises des fouilles positives pour la présence de vestiges du premier âge du Fer. Ce chiffre est surévalué par rapport à la surface effective des niveaux atteints et dégagés, concernant cette période. AFEAF-CARR 15/05/09 11:12 Page 209 Lyon-Vaise à la fin du VIe s. et au Ve s. av. J.-C. Fig. 1 : Localisation des sites du VIe et Ve siècle av. J.-C. à Lyon (fond de carte : Service archéologique de la Ville de Lyon, Juillet 2008). 209 AFEAF-CARR 15/05/09 210 11:12 Page 210 35E SUPPL. À LA RACF, 2009, AFEAF 32 LES GAULOIS SONT DANS LA VILLE Fig. 2 : Localisation des sites du premier âge du Fer à Lyon-Vaise, fouilles et diagnostics pour le premier âge du Fer (fond de carte : ALyAS, Service archéologique de la Ville de Lyon, Janvier 2008). 15/05/09 11:12 Lyon-Vaise à la fin du VIe s. et au Ve s. av. J.-C. Fig. 3 : Récapitulatif des sites occupés à la fin du premier âge du Fer et au début du second à Lyon-Vaise. AFEAF-CARR Page 211 211 AFEAF-CARR 15/05/09 11:13 Page 212 35E SUPPL. À LA RACF, 2009, AFEAF 32 LES GAULOIS SONT DANS LA VILLE 212 Fig. 4 : Les vestiges du premier âge du Fer du 65 rue du Souvenir (dessin d'après la base ALyAS du Service archéologique de la Ville de Lyon et d'après Plassot 1992). protohistoriques. De même, les divagations de paléochenaux dans la plaine, notamment entre les IVe et Xe siècles apr. J.-C., ont largement entaillé le terrain et entraîné la disparition totale ou partielle de nombreux aménagements protohistoriques. Il faut également insister sur le fait que les occupations postérieures, gallo-romaines ou médiévales, ont érodé et recoupé les traces d’occupations plus anciennes en se réinstallant directement à leur surface. De même, certains vestiges, hors cote de fond de fouille, ne sont que partiellement dégagés lors des opérations d’archéologie préventive et l’on peut supposer qu’une partie d’entre eux n’a pu être atteinte. Enfin, divers aménagements repérés lors de sondages d’évaluation archéologique n’ont pas été suivis de fouilles préventives et restent donc mal documentés. L’hétérogénéité dans la conservation des vestiges résulte des mêmes phénomènes évoqués précédemment, qui, lorsqu’ils ne les ont pas totalement détruits, les ont largement érodés et endommagés. Ainsi, il est par exemple difficile d’observer le niveau d’ouverture d’origine des structures excavées ou d’identifier des niveaux de sol associés lorsque leur surface n’a pas reçu un aménagement spécifique (empierrement). 2. BILAN DES DÉCOUVERTES 2.1. Les types de vestiges mis au jour à Lyon-Vaise Sur les 150 ha évoqués, une zone restreinte abrite l’essentiel des sites dans la partie méridionale de la plaine, au débouché du vallon de Trion. Cet espace couvre plus d’une cinquantaine d’hectares entre les gisements du 10 rue Marietton, du 65 rue du Souvenir, du 81-83 rue Gorge de Loup et du Métro Gorge de Loup (Fig. 2). Il faut évoquer, parmi les plus importants, ceux de la rue du Docteur Horand, du Métro Gorge de Loup, de la rue Sergent Michel Berthet, de la rue Marietton et de la rue des Tuileries. Les vestiges d’occupation restent partiellement reconnus et correspondent à plus de 370 faits archéo- AFEAF-CARR 15/05/09 11:13 Page 213 Lyon-Vaise à la fin du VIe s. et au Ve s. av. J.-C. 213 logiques identifiés (principalement des structures en creux), qui représentent une surface effective de 1000 m2. Une partie des aménagements possède une vocation domestique, ou agro-pastorale. Ils se rapportent à des habitats en bois et en terre (trous de poteau et de piquet, négatifs de sablières, foyers domestiques, fosses dépotoirs, fonds de cabanes ou cave/cellier), un grenier et des espaces de stockage (sablières, niveaux de sol, silos) et des parcs à animaux (enclos, palissades). Une part non négligeable de ces vestiges, sans doute plus importante qu’on ne l’a évoqué jusqu’ici3, semble attachée à des activités artisanales (fossesateliers, foyers de forges, dépotoirs, niveaux de sol). Enfin, un espace funéraire plus ancien que le reste de l’occupation (Ha C2/Ha D1-2) comporte six inhumations (fouille du Métro Gorge de Loup). 2.1.1. Les constructions au sol ou surélevées Il demeure difficile de restituer un plan d’habitat ou de bâtiment à Lyon-Vaise, malgré la présence de nombreux trous de poteau ou de piquet, et de quelques négatifs de sablière, du fait de la disparition d’une partie de ces structures. Prenons l’exemple des trous de poteau et des calages : la faible profondeur de certains d’entre eux (quelques centimètres) et la présence de calages comportant des blocs de trop faible dimension pour assurer, à eux seuls, le maintien d’une superstructure sans un trou de fondation suffisamment profond, témoignent de l’érosion qu’ont subie ces aménagements. Néanmoins, on peut supposer l’existence d’un bâti à deux ou trois nefs, ou d’une palissade avec différents appentis attenants, sur le site du 65 rue du Souvenir (Plassot, Thevenin 1992) sans pouvoir en établir le plan exact (Fig. 4). De même sur le site de Horand I (Bellon, Perrin 1992), les nombreux calages et trous de poteau (39 exemplaires) ne permettent d’établir que quelques orientations. Sur le site du 10 rue Marietton (Ayala, Monin 1996), une série de trous de poteau et un négatif de sablière appartiennent à un bâtiment dont le plan et la nature nous échappent (Fig. 5). Ces aménagements permettent néanmoins de confirmer la présence de constructions au sol, sur poteaux porteurs ou sur sablières basses, dont les parois sont en torchis appliqué sur du clayonnage4. L’existence de constructions surélevées, sur cadre de poutre, est attestée par le grenier du site 3. En effet, à la lumière des travaux récents concernant cette période, et des données nouvelles disponibles pour Lyon, un réexamen des structures mises au jour, d’après leur morphologie, leur dimension et le mobilier leur étant associé, permet de présumer de l’existence d’aménagements liés aux différentes activités artisanales présentes sur le site de Vaise. 4. De nombreux sites lyonnais ont révélé la présence de torchis, parfois associé à des traces de clayonnage, dans les comblements de fosses, notamment sur les sites des Tuileries I et II, au 10 rue Marietton, sur le site du Métro Gorge de Loup ou de Horand I-IV. Fig. 5 : Les vestiges du 10 rue Marietton et détail du fond de cabane ou d'atelier (?) (dessin d'après Monin 1995, SAVL). du Métro Gorge de Loup où une série de gros galets supporte probablement un plancher (Burnouf et al. 1989). Les indices les plus flagrants de ces habitats sont constitués par de nombreuses fosses dépotoirs contenant un abondant mobilier domestique et d’importants rejets d’ossements liés à la consommation carnée. AFEAF-CARR 15/05/09 11:13 Page 214 214 2.1.2. Les foyers Une trentaine de foyers domestiques répartis sur les fouilles lyonnaises accompagnent les différents habitats. Ces structures de combustion se présentent sous la forme d’une assise de galets chauffants ou d’une chape d’argile reposant sur un radier de galets et de blocs de gneiss. Leur aspect est souvent quadrangulaire, avec des dimensions variant de 0,60 m par 0,70 m à 1,45 m par 0,95 m5. Certains d’entre eux permettent d’identifier des habitats associés à des zones artisanales. Au moins un foyer et peut être un deuxième sont plus spécifiquement destinés au travail du fer. Le premier est de forme circulaire et en cuvette (0,45 m de diamètre pour une profondeur de 0,30 m). Il conserve une partie de ses parois en argile vitrifiée et scoriacée. Il contenait encore de nombreuses scories parmi son comblement et une grande quantité de battitures était présente dans la structure et autour de celle-ci. Le deuxième foyer, rectangulaire, est de plus grande dimension (1,20 m par 0,80 m). Il est en grande partie détruit (ou érodé) et ne conserve qu’un radier de sole constitué de blocs de gneiss, de granite et de galets portant des traces importantes de rubéfaction. Cet aménagement est installé dans un creusement peu profond. 2.1.3 Les constructions excavées ou semi-enterrées Parmi les nombreuses fosses (près de 110) mises au jour dans la plaine de Vaise, le plus souvent identifiées comme le résultat d’une extraction de matériaux, certaines, de plus ou moins grandes dimensions, présentent une morphologie particulière. Il s’agit de fosses régulières plus ou moins quadrangulaires, ovales ou pseudo-circulaires, possédant pour certaines un fond plat, des parois verticales, de temps à autres une banquette et des séries de trous de piquet ou de poteau. Elles peuvent se rapporter à des constructions excavées ou semi-enterrées appartenant à des structures domestiques et de stockage (fonds de cabane6, caves ou celliers), ou à des installations artisanales (fonds d’atelier). À Lyon-Vaise, seize fosses répondant à ces critères de taille et de forme pourraient se rapporter à des constructions semienterrées. Certaines d’entre-elles contiennent du mobilier spécifique (outillage et déchets liés à divers artisanats). Elles sont présentes sur dix sites archéologiques7. 5. Métro Gorge de Loup, Horand I-IV, rue des Tuileries. 6. Il ne s’agit pas d’habitats mais plutôt de structures annexes (de petits bâtiments) liées à un habitat, dont le matériel ne permet pas de déterminer avec certitude la présence d’activités artisanales. 7. Horand I et II, 10 rue Marietton, 65 rue du Souvenir, 89-91 rue Marietton, 24-34 rues Sergent Michel Berthet/Cottin prolongée, 26 avenue Joannès Masset, Métro Gorge de Loup, 22 rue Joannès Masset et 14 rue des Tuileries. 35E SUPPL. À LA RACF, 2009, AFEAF 32 LES GAULOIS SONT DANS LA VILLE On peut notamment citer l’exemple du 10 rue Marietton où une grande fosse quadrangulaire de 3 m par 2,10 m, pour une profondeur de 0,90 m, présente une banquette associée à des trous de piquet et des parois verticales (Fig. 5). Elle pourrait appartenir à un fond d’atelier ou à un petit bâtiment à vocation domestique lié à un habitat. Une fosse de forme et de profil similaire est partiellement conservée sur le site du Métro Gorge de Loup (Burnouf 1987). Il s’agit d’une fosse de 2 m de large conservée sur 1,50 m de long et de 0,45 m de profondeur ; elle présente des parois verticales sauf sur un côté où la paroi est inclinée vers l’intérieur, au départ d’une petite banquette. De même, rue du Souvenir, une fosse quadrangulaire de 1,40 m par 1,70 m, profonde de 0,62 m, est parfaitement centrée dans un réseau de trous de poteau, liés à un bâtiment. Dans ce cas, l’hypothèse d’une petite cave ou d’un cellier paraît envisageable (Fig. 4). Des fonds d’atelier de forme quadrangulaire sont présents sur les sites de Berthet/Cottin, de Horand I et du 14 rue des Tuileries (Tuileries II) (Fig. 6). Leurs dimensions varient entre 2,10 m par 2 m et 3 m par 4 m pour des profondeurs entre 0,40 m et 0,90 m. Elles sont en relation avec divers artisanats : corne sur le site de Horand I, alliage cuivreux à Berthet/Cottin. D’autres structures fossoyées, de forme ovale, associées à de nombreux trous de piquet et à un mobilier spécifique (dévidoirs, pesons…) semblent liées au tissage et à l’installation de métiers à tisser verticaux sur les sites de Horand I et du 14 rue des Tuileries8. Enfin, trois grandes fosses circulaires ou pseudo-circulaires, d’un diamètre compris entre 2 m et 2,40 m, profondes de 0,30 à 0,50 m, sont systématiquement liées à d’importants déchets de forge : sur l’opération archéologique de la rue du Souvenir, sur un diagnostic au 89-91 rue Marietton et sur la fouille préventive du 24-34 rues Sergent Michel Berthet/Cottin prolongée (Ramponi et al. 2004, Le Mer, Chomer 2007 : 728-731). Il semble que ce type de structure ait pu accueillir une activité de forge (cf. infra la métallurgie du fer). 2.1.4. Les empierrements Des sols empierrés au moyen de galets et de blocs de gneiss sont présents sur quatre sites. Ils sont interprétés comme des sols d’habitat (à Horand II) ou des aires de travail (au 16-28 rue des Tuileries). Outre de nombreux éléments liés à des activités et pratiques domestiques, ils livrent parmi le mobilier collecté à 8. À Horand I, La fosse F73, de 2,70 m par 2,10 m, profonde de 0,70 m, entourée de onze trous de piquet, contenait un dévidoir, un peson tronc-pyramidal et deux fusaïoles (Bellon, Perrin 1992). Au 14 rue des Tuileries, la fosse F40 de 3,20 m par 2,30 m, profonde de 0,90 m, comporte treize trous de piquet dont sept alignés sur une banquette intérieure. Son comblement contenait un lot homogène de mobilier lié au travail du textile (fusaïole, pesons, dévidoirs et aiguilles) (Maza 2009). AFEAF-CARR 15/05/09 11:13 Page 215 Lyon-Vaise à la fin du VIe s. et au Ve s. av. J.-C. Fig. 6 : Les structures artisanales hypothétiques de Horand I et du 14 rue des Tuileries (dessins d’après Bellon, Perrin 1992 et Maza 2009). 215 AFEAF-CARR 15/05/09 11:13 Page 216 35E SUPPL. À LA RACF, 2009, AFEAF 32 LES GAULOIS SONT DANS LA VILLE 216 Fig. 7 : Répartition des découvertes de céramique d'importation sur les sites hallstattiens de Lyon-Vaise. leur surface de nombreuses chutes, des ébauches ou des outils se rapportant à différents types d’artisanat. Une « surface » de travail au Métro Gorge de Loup rassemblait un grand nombre de chevilles osseuses de cornes débitées. Les sols empierrés identifiés sur le site de Berthet/Cottin sont liés à la présence de deux fosses-ateliers dans un secteur qui évoque une zone artisanale. Un empierrement sur le site de Horand II, interprété comme un sol d’habitat, concentre l’essentiel du mobilier en alliage cuivreux dont une majorité se rapporte au travail de ce métal. Enfin sur le site du 16-28 rue des Tuileries (Tuileries I) un sol conservé sur 33 m2 rassemble un abondant mobilier domestique lié à une importante concentration de déchets artisanaux, qui permettent de discerner, sur cette zone, la mise en forme d’objets en alliage cuivreux, la finition d’objets en fer et le débitage de cornes autour de deux postes de travail. Ces différents aménagements, associés à une quantité abondante de mobilier, permettent de disposer aujourd’hui d’un ensemble important contribuant à une meilleure compréhension de l’agglomération hallstattienne et laténienne de Lyon. Néanmoins, les données accumulées restent lacunaires et tributaires d’opérations préventives dont l’emplacement et la cote de fond de fouille sont aléatoires. 2.2. Le mobilier d’importation Les nombreuses et fréquentes découvertes de mobilier d’importation, principalement de céramiques d’origine massaliète (ou d’influence massaliète), grecque et de manière plus anecdotique étrusque, sont la première caractéristique de l’occupation du Ha D2-3 et de LT A1 de Lyon (Fig. 7). Il faut également signaler quelques fragments9 de vase en verre (des balsamaires) d’origine rhodienne. Ce matériel a permis d’identifier un site-relais d’importance, participant au commerce, notamment du vin et d’autres produits luxueux, entre le littoral méditerranéen occidental et les sites celtiques septentrionaux. Les différents recensements effectués par C. Bellon (Perrin, Bellon 1997 ; Bellon 2003 c) ont décompté 3800 tessons de céramique d’importation à Lyon, parmi lesquels la triade amphore, olpé/cruche et coupe, liée au transport, au service et à la consommation du vin, est bien représentée (Fig. 8). Plus de 3000 fragments d’amphores massaliètes permettaient la restitution d’un minimum de 70 individus. En revanche, les amphores étrusques ne sont représentées que par une vingtaine de tessons (moins d’une dizaine de conteneurs), sans doute en raison de leur chronologie plus haute. Associés aux 9. Un fragment au Métro Gorge de Loup, un sur le site de Horand IV et un sur le site du 16-28 rue des Tuileries. AFEAF-CARR 15/05/09 11:13 Page 217 Lyon-Vaise à la fin du VIe s. et au Ve s. av. J.-C. 217 Fig. 8 : Exemples de céramiques d'importation découvertes à Lyon-Vaise, sites des Tuileries I et II (dessins J. Gasc). amphores massaliètes, de nombreux tessons à pâte claire appartiennent à des cruches et des olpés (plus rarement des coupes) produites à Massalia ou dans ses établissements bas-rhodaniens. La céramique grise monochrome, de tradition grecque orientale, fabriquée sur le littoral méditerranéen occidental (Provence, Roussillon, Languedoc, Marseille) est quant à elle représentée dans des proportions moindres. Enfin, quelques tessons de céramique pseudo-ionienne ou attique complètent le panel des importations de céramique présentes à Lyon. Depuis ces dernières estimations, quelques fouilles préventives et plusieurs diagnostics (n’ayant pas toujours été suivis d’une opération archéologique) autorisent aujourd’hui une réévaluation à la hausse de ces chiffres. En 2007, les sites du 14 et du 16-28 rue des Tuileries livraient dix nouveaux fragments10, portant à quarante-huit le nombre de tessons mis au jour à 10. Neuf fragments de petite taille, dont une anse et un bord, proviennent du 14 rue des Tuileries et appartiennent à une ou deux coupes attiques à vernis noir. Un seul tesson à vernis noir, de petite taille, a été identifié sur le site du 16-28 rue des Tuileries. AFEAF-CARR 15/05/09 11:13 Page 218 218 Lyon. Appartenant à des services à boire, cette céramique atteste la présence de coupes, de skyphoï et de cratères importés entre la fin du VIe siècle et la fin du Ve siècle av. J.-C.11 (Burnouf et al. 1989 ; Bellon, Perrin 1992 ; Perrin, Bellon 1997). Aujourd’hui, ce sont près de 29 700 tessons de céramique indigène et 5000 tessons de céramiques importées qui proviennent des différents sites lyonnais datés de la fin du premier âge du Fer et du début du second. De même, et à titre d’exemple, on peut aujourd’hui estimer à plus de 370012 la quantité de fragments d’amphores massaliètes (types 1, 2, 3 et 4 de Py) pour près d’une centaine de conteneurs. Les quantités avancées ici restent toutefois sous-estimées puisque pour certaines opérations archéologiques nous ne disposons malheureusement pas de données chiffrées. Ces céramiques attestent un commerce du vin à Lyon-Vaise, mais également de sa consommation, que l’on relie habituellement à une pratique aristocratique. A Lyon, la répartition des découvertes, dans des secteurs aux vocations artisanales, domestiques ou agro-pastorales (au premier abord modestes), ne semble cependant pas réserver cette consommation à une caste privilégiée. Quelques fragments de mortiers massaliètes (5 exemplaires) pourraient démontrer l’évolution des modes alimentaires d’une partie de la population, avec l’utilisation de vases destinés à des préparations culinaires et des assaisonnements de tradition méditerranéenne. Cette vaisselle pourrait également constituer un indice de la présence d’une population plus spécifique, d’origine méridionale, implantée à Lyon-Vaise, qui reproduirait le mode de consommation de sa région d’origine. 2.3. L’agglomération urbaine de Lyon-Vaise, centre artisanal L’importance des activités artisanales constitue la deuxième caractéristique de l’occupation des VIe et Ve siècles dans la plaine de Vaise. Elles sont essentiellement révélées par les déchets qu’elles ont rejetés, parfois en quantités significatives. Elles apparaissent également par l’intermédiaire de quelques outils et 11. L’exemplaire le plus ancien est un skyphos à bande peinte qui semble dater des années 540-530 av. J.-C., provenant de Horand I. À Gorge de Loup, une coupe à figures rouges est datée de 430-425. Une coupe « de Castulo » est datée de la fin du Ve s. av. J.-C. rue du Docteur Horand (Perrin, Bellon 1997, Bellon, Perrin 2007). 12. Les chiffres qui précèdent ont été obtenus sur la base de ceux fournis par C. Bellon et F. Perrin, lors de leur communication au colloque de Châtillon-sur-Seine (Vix et les éphémères principautés celtiques, Perrin, Bellon 1997), en adjoignant le matériel mis au jour depuis cette date. Le chiffre de 3000 tessons d’amphores massaliètes avait été obtenu par les découvertes effectuées sur 12 sites ayant révélé la présence de céramiques d’importation. Aujourd’hui, ce ne sont pas moins de 11 sites supplémentaires qui ont fourni ce type de mobilier, surtout représenté par des fragments d’amphores. 35E SUPPL. À LA RACF, 2009, AFEAF 32 LES GAULOIS SONT DANS LA VILLE instruments (pince, ciselet, poinçons, couteaux, hache, fusaïoles, pesons etc.), liés à des sols de travail ou des fosses-ateliers. Quatre types d’artisanats sont représentés dans cette phase d’occupation : les métallurgies du fer et des alliages cuivreux, le travail de la corne et du textile. 2.3.1. La métallurgie du fer Dix sites ont révélé des traces liées au travail du fer (principalement des scories13). Pour la moitié d’entre eux, la présence de quelques scories n’est pas suffisante pour attester un travail de ce métal (17-21 rue Gorge de Loup ou Métro Gorge de Loup). En revanche, pour cinq sites, les quantités et les types de déchets mis au jour peuvent indiquer autant de lieux d’un artisanat du fer : le 65 rue du Souvenir, le 89-91 rue Marietton, les quatre opérations du 9 rue du Docteur Horand (Horand I-IV)14, le 24-34 rue Sergent Michel Berthet/Cottin prolongée et le 16-28 rue des Tuileries (Fig. 9). Seul ce dernier site a permis l’identification d’un foyer de forge bien conservé, associé à des structures annexes (bâtiment de couverture, charbonnières). Les aménagements d’une telle installation restent absents ou trop mal conservés pour être interprétés de manière certaine sur les autres opérations archéologiques. Cependant, quelques grandes fosses regorgeant de déchets peuvent se rapprocher de fosses-ateliers abritant une activité de forge. Elles rappellent les fosses de la forge de Sévaz, en Suisse (Mauvilly et al. 1998), ou certaines structures présentes à Bragny-sur-Saône et à Bourges (Pescher 2007, Milcent 2007). Au 89-91 rue Marietton des sondages d’évaluation ont permis la découverte de cinq fosses et d’une couche anthropisée contenant de nombreuses scories et des fragments de parois vitrifiées (Frascone et al. 2001 a). L’une d’elles15, circulaire (2 m de diamètre) et d’une profondeur de 0,50 m, a des parois verticales. Sa morphologie et son remplissage qui contient l’essentiel des déchets métallurgiques (scories et parois vitrifiées) pourraient permettre d’identifier une structure de forge. Les fouilles de Horand I-IV rassemblent 293 scories représentant quelques kilogrammes (une paroi vitrifiée à Horand I). Sur le site de Horand I, les scories se répartissent principalement dans les structures appartenant à la zone sud de la fouille (Bellon, Perrin 1992), dans l’environnement d’un foyer placé au bord d’une fosse16 (Fig. 6) dont l’aspect n’est pas sans rappeler les aménagements de la forge de SévazTudinges (Suisse) (Mauvilly et al. 1998). Rue du 13. L’importance de ce mobilier n’a pas toujours été saisie et l’on dispose rarement de quantifications précises et d’inventaires détaillés. 14. Ces quatre opérations effectuées sur la même parcelle (8000 m2), mais en tranches différentes, seront considérées comme un unique site. 15. Il s’agit de la fosse F19 présente dans le sondage 8 (Frascone et al. 2001 a, p. 11-12, fig. 27). AFEAF-CARR 15/05/09 11:13 Page 219 Lyon-Vaise à la fin du VIe s. et au Ve s. av. J.-C. Fig. 9 : Localisation des sites du premier âge du Fer à Lyon-Vaise, et répartition des traces liées à l'activité métallurgique du fer (fond de carte : ALyAS, Service archéologique de la Ville de Lyon et St. Carrara). 219 AFEAF-CARR 15/05/09 11:13 Page 220 35E SUPPL. À LA RACF, 2009, AFEAF 32 LES GAULOIS SONT DANS LA VILLE 220 Fig. 10 : Plan de la forge du 16-28 rue des Tuileries (plan SAVL, DAO : P. Dessaint). Souvenir, cinq fosses ont fourni un important lot de scories et d’argile vitrifiée (Plassot, Thévenin 1992). Le réexamen et le tri des déchets de forge, en cours, permettent d’ores et déjà de préciser que le poids total de 49 kg se répartit entre 34 kg de scories et de culots, 16. Cette fosse (F300), presque circulaire, de 1,50 m par 1,20 m pour une profondeur de 0,70 m, est placée devant un foyer (F202) de 0,80 m par 0,80 m installé dans une petite cuvette. Cette fosse est certes plus petite que celles de Sévaz (Mauvilly et al. 1998). Néanmoins, sa taille paraît suffisante pour qu’un homme y tienne debout à fin de travail sur le foyer et d’éventuels aménagements annexes. 17. La fosse F63 possède une forme pseudo-circulaire, de 2 m par 2,20 m pour une profondeur 0,30 m, ses parois sont verticales. 18. Il faut signaler que cette fosse contenait la moitié des parois d’argile vitrifiée découvertes sur le site soit 7,5 kg. Ces fragments ne sont pas roulés, et possèdent des cassures fraîches. Certains atteignent des tailles proches de 20 cm. et 15 kg de parois de foyer en argile vitrifiée, associés à de nombreuses battitures lamellaires. L’une des fosses, de grande dimension et de forme régulière17 contient la majeure partie des scories (soit près de 13 kg) et des parois vitrifiées (soit 7,5 kg). Parmi ce mobilier, on peut identifier cinq fragments de paroi vitrifiée possédant la trace d’un trou de ventilation circulaire d’environ 2 cm de diamètre. L’un d’eux comporte également la trace d’arrachement d’un culot de fond de forge ; sa forme en arc de cercle permet de reconnaître l’existence d’un foyer circulaire, installé probablement dans une cuvette, et dont le diamètre intérieur devait mesurer entre 20 et 30 cm. La quantité de déchets de forge, et notamment celle de parois en argile vitrifiée18, associée à la morphologie AFEAF-CARR 15/05/09 11:13 Page 221 Lyon-Vaise à la fin du VIe s. et au Ve s. av. J.-C. de cette grande fosse, peut permettre d’y situer le centre de l’activité métallurgique (Fig. 4). Enfin, la fouille de Berthet/Cottin associe un important lot de déchets et des structures en creux, identifiées comme « fosses-ateliers » pour une ou peut-être deux d’entreelles19. Ces fosses, à parois verticales et fond plat, trouvent des comparaisons sur le site de Bragny-surSaône où des fosses quadrangulaires abritent des déchets similaires (Feugère, Guillot 1986). Des structures comparables sont également connues à Bourges sur les sites de « St-Martin des Champs » (Milcent 2004 et 2007) et de « Port Sec sud » (Pescher 2007, Augier et al. ce volume), où des fosses quadrangulaires sont assimilées à des fonds d’atelier semi-enterrés. L’exemple de la forge de Sévaz-Tudinges (Suisse) paraît intéressant pour la caractérisation des fosses de Berthet/Cottin. En effet, ce site suisse a révélé, entre autres, deux fosses de 1,80 à 1,90 m de diamètre pour 0,90 à 1 m de profondeur, sur les bords desquelles on trouve de petits foyers de 0,50 cm à 1 m de diamètre. Les artisans se tenaient donc debout dans le fond de ces grandes fosses de travail afin d’utiliser les foyers construits sur leurs rebords (Mauvilly et al. 1998). Même si les formes et les dimensions diffèrent entre les deux sites, l’exemple de Sévaz montre que les foyers peuvent être placés en bordure de fosse lorsque l’on est en présence de ce type de creusement. Les déchets liés à la métallurgie du fer de Berthet/Cottin rassemblent 15 kg de scories et de culots, 7 kg de parois en argile vitrifiée et 270 g de battitures. Jusqu’aux découvertes de 2007, il s’agissait du cas le plus concret attestant le travail du fer à Lyon, avec le site de la rue du Souvenir, même si aucun aménagement de combustion, en relation avec cette activité, n’avait pu être clairement identifié. Les structures de forge et le sol de travail mis au jour sur le chantier des Tuileries, dans un contexte de la fin du premier âge du Fer et du début du second, fournissent les vestiges qui manquaient à Lyon pour identifier avec certitude une activité métallurgique du fer (Fig. 10). Les vestiges mettent en évidence une organisation entre une zone où au moins deux foyers20 semblent directement liés à la forge, et un secteur dédié à la finition, où deux postes de travail correspondent, entre autres, à des lieux de mise en forme des objets en alliages cuivreux et de traitement de surface 19. Il s’agit des fosses F25 et F15 de formes quadrangulaire et pseudocirculaire. La fosse F 25 de 2,60 m par 2,40 m possède une profondeur de 0,66 m. La fosses F15 de 2,06 m par 2,40 m conserve une profondeur de 0,54 m. 20. Un petit foyer circulaire (0,45 m de diamètre) en cuvette (F 7081) conserve une partie de ses parois en argile vitrifiée et scoriacée. Il contenait encore de nombreuses scories parmi son comblement et une grande quantité de battitures était présente dans la structure et autour de celle-ci. Un deuxième foyer, rectangulaire (F7028), de plus grande dimension (1,20 m par 0,80 m) est plus érodé. Il aurait pu être destiné au forgeage de pièces plus importantes ne pouvant être travaillées dans le petit foyer circulaire. 221 des objets en fer. Le site offre les masses de déchets les plus importantes mises au jour pour la plaine de Vaise. La multitude des types de déchets permet de caractériser les opérations se déroulant sur place. 90 kg de scories et de culots de fond de forge proviennent d’opérations de forgeage et/ou d’épuration. 21 kg de parois en argile vitrifiée et scoriacée sont issues du démontage ou de la réfection des foyers de forge, l’un des fragments présente un orifice circulaire de 2 cm de diamètre appartenant à un « trou à vent » (Orengo 2003) attestant la présence d’un système de ventilation des foyers. Près de deux kilogrammes de battitures rassemblent les trois types communs attachés à ces déchets : lamellaires, sphériques ou granulaires. Elles permettent de confirmer un travail de forgeage, mais sans doute également un travail d’épuration, ou du moins le travail d’un fer impur nécessitant une telle opération. Une série de masses métalliques informes (ou scories ferreuses) (3 kg) peut se rapporter au travail d’épuration « d’éponges », de lingots ou au travail d’élaboration utilisant un métal riche en impuretés (nécessitant un affinage au préalable). Enfin, une vingtaine de chutes de découpe de barres renvoient au forgeage et à la fabrication d’objets (Fig. 11). Il faut toutefois souligner l’absence de déchets caractéristiques d’une forge de réduction du minerai de fer sur l’ensemble des sites lyonnais du Ha D3-LT A1. Le fer travaillé à Lyon semble donc avoir été produit ailleurs et arrive sur le site sous une forme qu’il reste à déterminer : fer brut ou lingots. Si certains déchets (les masses de fer informes et certaines battitures) semblent plaider pour le travail de fer brut, une étude paléométallurgique plus poussée de ceux-ci devrait permettre de confirmer ou d’infirmer cette hypothèse. Plusieurs fragments de tiges aux sections carrées, rectangulaires ou rubanées, associés à des fragments de fibules ratées ou non terminées, attestent une production de fibules à timbale sur le pied de type Mansfeld F4 A2 (Mansfeld 1973) dans la forge de la rue des Tuileries. La présence avérée d’une forge, liée à des structures similaires déjà pressenties sur quelques sites de Vaise (notamment à Berthet/Cottin, rue du Souvenir et à Horand I), confirme l’importance de l’activité métallurgique du fer sur l’agglomération du Ve s. de Lyon. On dispose d’une masse (sous-estimée) de 191 kg de déchets21, puisqu’une partie des informations concernant ce mobilier n’est pas disponible. Cette quantité peut paraître faible proportionnellement aux 140 kg 21. Ces 191 kg de déchets se répartissent entre : 142 kg de scories, 43 kg de paroi vitrifiée et scoriacée appartenant à des foyers de forge, 3 kg de chutes de découpe et de scories ferreuses provenant du site des Tuileries, et près de 3 kg de battitures (Tuileries, Berthet/Cottin, rue du Souvenir). À cette masse il faut ajouter les 293 scories et culots des opérations archéologique de Horand I-IV et l’important lot de déchets provenant du 89-91 rue Marietton, pour lesquels on ne dispose pas de données pondérales. AFEAF-CARR 15/05/09 11:13 Page 222 35E SUPPL. À LA RACF, 2009, AFEAF 32 LES GAULOIS SONT DANS LA VILLE 222 Fig. 11 : Chutes de barre en fer, chutes de découpe et ébauches ou ratés de fabrication d'objet en fer sur les sites des Tuileries I et II (dessin : St. Carrara). (200 kg estimés) de la forge de Sévaz (Suisse), qui s’inscrit dans un habitat modeste et isolé, et anecdotique face aux 400 kg de scories de Bragny-sur-Saône, recueillis sur 400 m2, qui permettent de restituer, sur les 3 ha du site, une quantité de 10 tonnes de scories (Collet, Flouest 1997). Mais, sur le site des Tuileries, les scories présentes sur un sol de 33 m2, qui pouvait en compter environ 270, permettent de restituer une masse hypothétique de 700 kg rejetée sur cette zone. Des culots de petite taille (70 à 90 g) et d’autres plus importants (de 300 à 400 g) pourraient suggérer la production d’objets de petite et moyenne taille. La présence de nombreux déchets liés à cette activité, répartis sur différents points de la plaine, distants de quelques centaines de mètre à près d’un kilomètre, paraît démontrer la coexistence d’au moins cinq ateliers de forge pendant une période couvrant le Ha D3 et LT A1 (520-425 av. J.-C.). Les quantités de parois vitrifiées et la présence d’éléments plus spécifiques (trous de ventilation) témoignent de l’existence, sur chacun des sites, de structures pérennes ayant fait 22. Sur les 30 sites ayant fourni les traces d’une présence humaine au VIe-Ve siècle av. J.-C., seulement 23 ont réellement donné les traces d’une occupation et la présence de vestiges. Si l’on considère que les quatre opérations de la rue du Docteur Horand ne forment qu’un seul site, sur 20 sites effectifs 5 sont concernés par la métallurgie du fer, soit une moyenne d’un atelier de forge pour quatre sites. l’objet de multiples réfections. Pour l’heure, cinq ateliers peuvent être identifiés à Lyon-Vaise sur une surface fouillée restant modeste22. De fait, on est en droit de s’interroger sur la destination des productions issues de ces forges. Répondent-elles aux seuls besoins de l’agglomération ou sont-elles en partie destinées à un commerce à plus grande échelle, tourné vers l’extérieur ? Si l’on part du postulat que ces différentes unités de production ont fonctionné en même temps, la masse de déchets associée à des structures pérennes, où l’on peut identifier la fabrication de fibule qui représentent un haut niveau de technicité, semble dépasser une activité occasionnelle ou peu spécialisée. Ces ateliers spécialisés pourraient répondre à des besoins dépassant ceux de l’agglomération et jouer un rôle majeur dans son économie. 2.3.2. La métallurgie des alliages cuivreux Les traces d’une métallurgie des alliages cuivreux apparaissent, quant à elles, sur cinq sites : au 9 rue du Docteur Horand (Horand I-IV), au 24-34 rue Sergent Michel Berthet/Cottin prolongée, sur un diagnostic au 26 avenue Joannès Masset, au 16-28 rue des Tuileries et au 14 de la rue du même nom (Fig. 12). Une nouvelle fois, ce sont avant tout les résidus et quelques outils qui attestent une production (scories de bronze, AFEAF-CARR 15/05/09 11:13 Page 223 Lyon-Vaise à la fin du VIe s. et au Ve s. av. J.-C. Fig. 12 : Localisation des sites du premier âge du Fer à Lyon-Vaise, et répartition des traces d'activité liées à la métallurgie des alliages cuivreux (fond de carte : ALyAS, Service archéologique de la Ville de Lyon et St. Carrara). 223 AFEAF-CARR 15/05/09 11:13 Page 224 35E SUPPL. À LA RACF, 2009, AFEAF 32 LES GAULOIS SONT DANS LA VILLE 224 Fig. 13 : Chutes, ébauches, fabricats, éléments destinés à la refonte et outils liés au travail des alliages cuivreux (dessins : St. Carrara). creusets, fragments de moule en argile, chutes de découpe, ébauches, coulées de bronze), même si quelques fosses et des sols empierrés peuvent être assimilés à des fonds d’atelier et des aires de travail. Un abondant mobilier découpé, ébauché, ployé/roulé pour la refonte, associé à des scories et des coulées d’alliage cuivreux, quelques fragments de moules en argile (Berthet/Cottin, Horand I) et des creusets (26 avenue Joannès Masset, Berthet/Cottin, 14 rue des Tuileries), sont présents sur les cinq sites (Fig. 13). Ils confirment le travail des alliages cuivreux à Lyon, qui semble principalement localisé entre les sites de Horand I-IV, de Berthet/Cottin et des Tuileries. Si l’emplacement de la zone de mise en forme et de finition des objets ne fait pas de doute sur le chantier archéologique des 16-28 rue des Tuileries, AFEAF-CARR 15/05/09 11:13 Page 225 Lyon-Vaise à la fin du VIe s. et au Ve s. av. J.-C. Fig. 14 : Localisation des sites du premier âge du Fer à Lyon-Vaise et des traces d'un travail artisanal de la corne (fond de carte : ALyAS, Service archéologique de la Ville de Lyon et S. Carrara). 225 AFEAF-CARR 15/05/09 11:13 Page 226 226 le secteur de fonte et de coulée de l’alliage cuivreux ne semble pas avoir été découvert, celui-ci ayant sans doute été détruit par le passage d’un paléochenal entre le IVe et le Xe siècle apr. J.-C. Le site de Berthet/Cottin semble abriter le même type de contexte avec la présence probable de fosses-ateliers, mais là encore aucune structure destinée à la fonte de l’alliage n’a été repérée, même si la présence de déchets paraît indiquer sa présence toute proche (Ramponi et al. 2004, Le Mer, Chomer 2007 : 728-731). Plusieurs tiges en alliage cuivreux sont probablement des ébauches abandonnées en cours de réalisation, ratées ou éliminées lors de la mise en forme de l’objet (Fig. 13, n° 35, n° 68-69, n°78). Ces éléments portent des traces de découpe, de martelage et de torsion. Ces longues tiges semblent pouvoir être reliées à la mise en forme de fibules à simple timbale sur le pied, de type Mansfeld F4 A2 (Mansfeld 1973). Une tige à globules (à arêtes vives, une face arrière lisse, des bords avec légères barbelures et une trace de découpe à l’extrémité) semble être issue d’une coulée dans un moule en pierre. Cet objet peut être rapproché d’une préforme coulée (fabricat), avant sa finition par martelage, pour la fabrication de fibules à double timbale de type Mansfeld dP4. Les deux globules constituent une réserve de matière pour la mise en forme des timbales sans doute par un système d’estampe et de contre-estampe. Cet objet apporte un regard nouveau sur les techniques de mise en forme des fibules à double timbale (Fig. 13, n°119). Une dizaine d’objets identiques (en dimension et en forme) ont été découverts sur le site de Port Sec sud, à Bourges, en 2005-2006. Une interprétation similaire leur a été donnée. Le même gisement a livré une centaine de préformes coulées, pour la fabrication de fibules à timbale simple, en contexte LT A1. Ces exemples confirment l’identification de l’exemplaire lyonnais et éclairent un aspect du processus de fabrication des fibules de tradition ou de schéma hallstattien. Même si les résidus du travail des alliages à base de cuivre sont assez bien représentés à Lyon, leur masse reste faible (gouttes, jets de coulée, chutes) : 57,9 g de bronze sur le site des